Deux Aubois aux Invictus Games, une compétition sportive pour les soldats et vétérans blessés
Deux Aubois aux Invictus Games, une compétition sportive pour les soldats et vétérans blessés
Morgan et Bernard, habitants de Fontvannes, s’envolent dans quelques jours pour Vancouver au Canada où se dérouleront les Invictus Games du 8 au 16 février, compétition sportive pour les soldats et vétérans blessés ou en situation de handicap.
Publié: 26 janvier 2025 à 20h04
Bernard, 47 ans, et Morgan, 40 ans, s’apprêtent à vivre une aventure hors du commun, à Vancouver au Canada. Ces deux habitants de Fontvannes participeront aux Invictus Games, une compétition multisports internationale ouverte aux militaires et anciens combattants blessés ou en situation de handicap. Deux Aubois, parmi les 19 Français sélectionnés.
« Les Invictus Games, c’est le haut du panier, je ne pensais pas être sélectionné », avoue Bernard qui s’est d’abord réjoui pour Morgan, dont le nom avait été annoncé quelques minutes avant le sien en décembre 2023 dans un amphithéâtre. L’événement s’annonce fort en émotion et constitue une étape importante dans leur parcours de blessés.
Morgan et Bernard font partie des 19 Français qui participeront dans quelques jours aux Invictus Games.
Morgan s’est engagé en 2003, passant notamment neuf ans à Mourmelon (Marne) au 501-503 régiment de chars de combat, période au cours de laquelle il a été déployé en Côte d’Ivoire et en Afghanistan, avant de devenir, en 2011, instructeur au centre d’instruction élémentaire de conduite, toujours à Mourmelon. C’est là qu’il croise Bernard, venu en formation. « On se retrouvait sur beaucoup de points », constatent-ils rapidement.
Tous deux souffrent de stress post-traumatique (SPT). « Nous-mêmes, on a du mal à l’accepter, c’est beaucoup de travail sur soi », reconnaît Bernard qui s’est engagé en tant qu’appelé en 1998. À son actif, des missions au Kosovo, en Bosnie, l’opération Licorne en Côte d’Ivoire, une mission au Liban, trois en Afghanistan et une dernière au Mali. Au cours de sa carrière militaire, il rejoint le premier régiment médical de Metz. « Je combattais, et s’il y avait des blessés, je m’occupais d’eux. »
Hypervigilance
Son premier déploiement en Afghanistan en 2009 s’avère difficile. « J’ai vécu les horreurs de la guerre, les talibans se faisaient exploser sur le bord de la route, il y a eu énormément de blessés, de gens amputés… », décrit l’ancien militaire. Et si jusque-là, lorsqu’il rentrait en France, il parvenait à retrouver sa vie quotidienne, cette fois, il n’arrive plus à oublier. Il scrute chaque mouvement, entend le moindre bruit.
Une hypervigilance permanente. « Je vérifie où est la porte de secours, que la porte d’entrée est fermée, lorsqu’on me propose d’aller au cinéma je dis non… » « Un sac-poubelle au bord de la route, là-bas, c’est dangereux », ajoute Morgan, qui avait été aux côtés de Bernard sur le même terrain afghan sans le connaître alors.
« Ce sont des images qui arrivent à tout moment, c’est difficile à vivre, pour soi et pour la famille »
Bernard
Et les premiers attentats sur le sol français viennent accentuer cette vigilance de tous les instants. « Lorsque les gens vont sur une terrasse, attendent dans une file pour un concert à Paris, ils pensent forcément aux attentats, ça va durer deux secondes. Nous, c’est deux secondes de répit et 15 minutes à y penser », décrit Bernard. « Ce sont des images qui arrivent à tout moment, c’est difficile à vivre, pour soi et pour la famille. »
Pourtant, Bernard repart en opération extérieure. « Même si c’est dur, on s’engage pour ça. » Il part une dernière fois en 2017, au Mali, où la blessure physique vient s’ajouter à la blessure psychologique. « Une roquette a tapé mon véhicule, j’ai eu deux vertèbres fissurées et une cassée. » Opération, rééducation, après 21 ans de service, il apprend qu’il ne pourra plus partir en Opex. Il décide alors de se reconvertir sans quitter les armées, et, depuis 2019, il est civil de la défense au sein de l’Eloca (Établissement logistique du commissariat des armées) à Châtres. « L’armée n’abandonne pas ses blessés, souligne le quadragénaire. On donne beaucoup, mais la France nous le rend bien. »
« Il y en a un qui a perdu une main, un autre en fauteuil, et moi, je n’ai qu’un SPT »
Morgan
Et se lancer dans cette aventure sportive est une nouvelle étape pour aller de l’avant. « Les Invictus Games, c’est un tremplin pour la reconstruction », assure Morgan, en congé maladie longue durée, qui peine encore à se sentir légitime. Avant de partir pour le Canada, les deux Aubois ont rejoint les 17 autres Français qui concourront cette année. « Il y en a un qui a perdu une main, un autre en fauteuil, et moi, je n’ai qu’un SPT », livre Morgan, comme s’il n’avait pas sa place dans une telle compétition. « On est tous blessés », lui répond Bernard avant d’ajouter qu’il « souffre davantage par la blessure psychologique. » Mais avant de s’engager dans cette compétition, il faut aussi que la famille soit d’accord. « Les enfants m’ont demandé “tu pars où ?” comme si je repartais en opération », glisse Bernard.
Tous les feux étant au vert, les entraînements ont pu commencer, début 2024, à raison d’une semaine par mois au Centre national des sports de la défense (CNSD) à Fontainebleau (Seine-et-Marne). Ce à quoi se sont ajoutées des sorties et rencontres de rugby-fauteuil à Paris ou de volley assis en Belgique ou pour pratiquer les sports d’hiver entre la Savoie et le Vercors.
Rugby-fauteuil et biathlon ensemble
Morgan et Bernard concourront tous deux en rugby-fauteuil et biathlon. Le premier participera également aux épreuves de volley-fauteuil, curling-fauteuil et skeleton, tandis que son camarade sera sur le terrain pour le basket-fauteuil. « La victoire n’est pas le but premier, mais on est Français et militaires, si on n’a pas de médaille, ce n’est pas un drame, mais ce serait mieux », sourit Bernard. C’est aussi une occasion unique de « mettre en lumière tous les blessés » et de lancer un message à « ceux qui n’osent pas aller consulter », pointe Morgan.
Et quoi qu’il advienne sur les podiums, les deux Fontenais sont heureux de pouvoir vivre cette aventure unique en famille. Pères de deux enfants chacun, ils pourront faire le voyage avec eux, ainsi que leurs épouses. Départ le 3 février, pour participer aux derniers entraînements avant la cérémonie d’ouverture, le 8 février. Les deux filles de Bernard, âgées de 12 et 15 ans, attendent déjà avec impatience le concert de Katy Perry et, évidemment, de voir briller leur père.
Date de dernière mise à jour : 28/01/2025
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